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Diffusion des savoirs
le 5 mai 2010
9h-17h
Journée d'études dans le cadre d'un projet collectif soutenu par les universités Paris 8, Paris 10,Toulouse 2, ainsi que le CNRS (IDHE-ENS Cachan, IDHE-Paris 8, IDHE-Paris 10).
Les chemins de l'industrialisation ont fait l'objet d'un premier travail collectif marqué par la réunion d'une première journée d'études en mai 2009, suivi d'une seconde journée en 2010, avec une publication à la clé. Le projet s'accompagne d'une recension bibliographique des ouvrages relatifs à l'histoire des PME en Espagne; il est dès à présent disponible. Ce projet est soutenu par les universités Paris 8, Paris 10,Toulouse 2, ainsi que le CNRS (IDHE-ENS Cachan, IDHE-Paris 8, IDHE-Paris 10).
Depuis les années 1970, la dévitalisation de régions industrielles entières des pays développés a conduit les sciences humaines et sociales à porter un regard neuf sur les questions territoriales. Il s'agit d'abord de réfléchir à la désindustrialisation en termes de conséquences spatiales et sociales, avant d'essayer de montrer que d'un contexte territorialement déterminé pouvait éventuellement surgir de nouveaux dynamismes, facteurs de dynamiques économiques, sociales, culturelles, etc. C'est ainsi qu'a pu émerger toute une série d'analyses concernant les grappes d'entreprises, les clusters, les systèmes productifs localisés, les districts industriels, etc.
Les chercheurs italiens ont dans une large mesure initié ces réflexions. Ainsi, ce sont d'abord des sociologues italiens (Arnaldo Bagnasco, 1977) qui les premiers, se sont penchés sur l'analyse du développement des régions du Centre et du Nord-Est de l'Italie durant les années 1970-1980. Dans un deuxième temps, l'école italienne autour de Giacomo Becattini (1979) s'est attachée au contenu économique de ces configurations industrielles. Ces dernières se caractérisent en effet par la forte présence de petites et moyennes entreprises, "liées par des relations d'échanges productifs, spécialisées dans une activité industrielle donnée, et localisées sur un territoire déterminé" (G. Beccatini, 1979). L'exemple du district de Prato s'avère désormais bien connu.
Les historiens français, avec retard, réserves ou/et recul, c'est selon, se sont également emparés de ces questions venant leur offrir de nouvelles lunettes d'observation. Des colloques importants sont venus scander ces mouvements d'intérêts. Citons parmi les publications qui en sont issus : Eck (Jean-François) et Lescure (Michel) (dir.), Villes et districts industriels en Europe occidentale XVIIe-XXe siècles, Presses universitaires de Tours, 2002 ; Lescure (Michel) (dir.), La Mobilisation du territoire. Les districts industriels en Europe occidentale du XVIIe au XXe siècle, CHEFF, 2006 ; DAUMAS (Jean-Claude), LAMARD (Pierre), TISSOT (Laurent) (dir.), Les territoires de l'industrie en Europe (1750-2000), Entreprises, régulations et trajectoires, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007. L'historiographie des petites et moyennes entreprises a pu y trouver de féconds développements. Des chemins d'industrialisation décalés par rapport à la « voie du gigantisme » (la firme, le groupe, le conglomérat, etc.) ont pu être dessinés. Ainsi, exemple parmi d'autres, Jean-Marc Olivier a montré s'agissant, d'un long XIXe siècle, que les clous, les lunettes et les horloges du Jura morézien connexe à la Suisse imbriquent produits et territoires autour d'une industrialisation qualifiée de « douce ».
Où en sommes-nous de ces recherches ? D'autres situations, d'autres études, réalisées dans d'autres pays peuvent-elles nous aider à avancer ? Le cas espagnol nous semble devoir être exploré.
L'Espagne peut présenter des similitudes avec les cas français et italien. Toutefois, peu d'historiens français s'y sont intéressés, particulièrement selon les perspectives évoquées. Citons en premier lieu les travaux d'Albert Broder sur le rôle des banques ou encore de Gracia Dorel-Ferré sur les colonies industrielles de Catalogne et de Gérard Chastagnaret sur les mines. Plus récemment, certains laboratoires de recherches ont inclus l'histoire économique de l'Espagne dans leurs axes de travail, notamment le Framespa à l'université de Toulouse.
En revanche, de l'autre côté des Pyrénées, il existe un courant de recherche en histoire économique très actif et fécond. Son développement est porté par la place de l'histoire économique dans les cursus universitaires, en histoire comme en économie ; l'existence de ses propres revues comme la Revista de historia económica ou la Revista de historia industrial illustre sa vitalité. Ces recherches ont été impulsées notamment par Jordi Nadal dans les années 1970 avec son livre El fracaso de la revolución industrial en España, Ariel, Barcelona, 1975. De très nombreux autres travaux ont suivi. Parmi ceux-ci, beaucoup soulignent la place des PME dans l'industrialisation espagnole. On doit citer, comme une référence, l'ouvrage collectif dirigé par Jordi Nadal et Jordi Catalan: La cara oculta de la industrialización española. La modernización de los sectores no líderes (siglos XIX y XX), Alianza, Madrid, 1994. La bibliographie est également riche s'agissant de l'économie des territoires. Citons en guise d'exemples: A. Escudero, Minería e industrialización de Vizcaya, Barcelona, Crítica, 1998. J. A. Miranda, La industria del calzado en España (1860-1959), Alicante, Instituto de Cultura Juan Gil-Albert, 1998. J.L. Alonso, R. Méndez (coords), Innovacion, pequeña empresa y desarollo local en España, Madrid, Civitas, 2000. J.-A Ybarra, J. M. Giner, Mª. J., El calzado en España: del sector al territorio, Universidad de Alicante, 2002. J. Nadal (dir.), Atlas de la industrialización de España 1750-2000, Barcelona, Fundación BBVA-Crítica, 2003. Malheureusement, les obstacles de la langue et de la diffusion des livres espagnols en France font que ces travaux demeurent relativement méconnus, malgré d'ailleurs le développement des publications numériques. L'un des objectifs assignés à ce programme d'étude sera d'établir une présentation bibliographique.
Il semble qu'il y ait un intérêt particulier à confronter les situations françaises et espagnoles. Les pays de l'Europe du Sud, comme l'Espagne, ont suivi des chemins de l'industrialisation qui diffèrent de ceux désormais bien connus de l'Europe du Nord-Ouest. L'industrialisation y a été tardive (el fracaso) et elle attribue un plus grand rôle aux industries de consommation comme la confection ou l'alimentation. Dans ces branches, les PME occupent généralement une place importante et, pour certaines productions, elles sont groupées sur certains sites fortement spécialisés telles les petites villes d'Elche et Elda pour la chaussure ou d'Alcoy pour les draps, toutes trois près d'Alicante. Des dynamiques territoriales particulières apparaissent, et pas seulement pour le Pays basque ou la Catalogne. Ainsi, l'Andalousie paraît présenter un cas intéressant. Elle semble avoir connu un début d'industrialisation précoce, avec l'exploitation de ses ressources minières, qui aurait été suivi d'une phase de désindustrialisation. Cependant, ce constat serait à nuancer d'après de nouveaux travaux qui mettent en évidence une industrialisation diffuse autour notamment des industries alimentaires avec de nombreuses PME et même de très petites entreprises.
L'objet de la journée d'études sera de confronter les approches historiques françaises et espagnoles autour de la question des PME et des territoires, des systèmes productifs localisés et des chemins de l'industrialisation. Des contributions portant sur des exemples espagnols, des comparaisons franco-espagnoles ou des relations transnationales entre les deux pays sont attendues.