Le laboratoire de sciences sociales IDHE s’associe à des sociologues de l’Association française de sociologie pour accueillir des chercheurs sur le thème du crédit dans la France contemporaine.
Affiche des journées d'études
Longtemps la thématique du crédit avait été peu traitée par la sociologie économique française. De nombreux travaux sociologiques sont pourtant en cours sur des objets français et s'ajoutent aux contributions américaines également de plus en plus nombreuses sur ce sujet. Ils ont par exemple été abordés par le prisme des professions ou par le biais des questions du crédit extra-bancaire à la consommation, du recouvrement des impayés ou sur la relation de clientèle avec les professionnels. Par ailleurs les critères d'octroi du crédit fondés sur la production d'information et d'évaluations financières ont également fait l'objet de nombreux travaux récents.
Entre discours rationaliste et confiance...
Dans le monde bancaire contemporain institutionnalisé, le discours rationaliste des professionnels du crédit fonde les pratiques bancaires sur le calcul, sur les techniques d'évaluation du risque portées par le
scoring, et sur le renseignement économique consigné par le
credit rating. Les relations ainsi décrites semblent donc relever entièrement de la "sphère froide" des relations de marché, impersonnelles et objectives.
Pourtant les professionnels parlent également de confiance. De même, de nombreux travaux en anthropologie montrent la constante repersonnalisation des transactions de crédit. Au sein même des organismes bancaires, les enquêtes de terrain montrent que des marges de manœuvre existent pour les responsables crédit, y compris dans le recours aux outils techniques. Enfin, on ne peut évoquer la question de l'attribution du crédit sans la relier à ses modes de recouvrement et à la mise en forme institutionnelle de la relation de crédit. Or la gestion des impayés implique non seulement la banque et le débiteur, mais plus largement elle fait appel à un consensus social large où les acteurs sociaux que sont le juge, le législateur qui encadre les pratiques de recouvrement, et l'huissier, jouent un rôle central. L'évolution des garanties exigées, tout comme la diversification des formes de prêt renseignent également sur les différentes conceptions du temps dans les systèmes économiques et financiers et sur les formes de capitalisme à l'œuvre.
La longue histoire du créditCes quelques observations montrent qu'un chantier important de recherches est à conduire pour montrer la finesse des mécanismes sociaux au cœur de la relation de crédit, et en nuançant largement la thèse du désencastrement contemporain du crédit par rapport aux relations sociales globales (Fontaine, 2008). Par ailleurs, l'apport des historiens témoigne d'une omniprésence historique du crédit nous invitant largement à dépasser l'histoire très contemporaine reliant trop souvent crédit à la société de consommation.
L'enjeu de ces deux journées proposées par le RT 12 et soutenues par l'IDHE Cachan, le GDR Sociologie et économie et la BPCE est de mettre ces travaux en résonance, et de permettre notamment d'identifier les différences entre le crédit commerçant ou extra-bancaire et le crédit bancaire, de spécifier la place de la confiance, souvent évoquée dans la littérature comme critère central d'attribution du crédit, d'évaluer la différence entre personnes physiques et entreprises traitées très différemment face au crédit, de cerner le rôle des outils probabilistes de calcul, mais aussi de ceux d'identification juridique des candidats aux prêts, d'explorer le rôle et l'effet de la professionnalisation bancaire sur les pratiques d'attribution des crédits, sur la moralisation des comportements économiques des débiteurs, ou encore celui du degré de diffusion de l'information sur les clients par les banques et le degré de coopération inter-bancaire sur l'historique de crédit des clients de ce vaste marché.